On peut peut-être reprocher à François Fillon de ne pas avoir fait ce qu’il fallait lorsqu’il était premier ministre de Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012 mais il est bien l’un des rares hommes politiques français à avoir reconnu ses erreurs et à avoir admis que si c’était à refaire, il ferait bien des choses autrement qu’auparavant. Sa lucidité et son recul sont des qualités bien rares qu’il est juste de relever, et il serait salutaire que d’autres en prennent exemple.
L’entretien de François Fillon au JDD est intéressant et a également le mérite de la clarté. En expliquant que nous sommes “en guerre mondiale” contre un totalitarisme – qu’il nomme “le totalitarisme islamiste” – aussi dangereux que le “nazisme”, l’ancien premier ministre et candidat aux primaires du parti Les Républicains (LR) dresse un constate réaliste du contexte international mais aussi et surtout du contexte français. En effet, du Sahel au Levant jusqu’à son propre territoire, la France est attaquée de toutes parts par un ennemi désireux de semer la terreur jusqu’à ce qu’enfin – objectif ultime – la conflagration générale la fragmente et entraîne avec elle toute l’Europe.
François Fillon appelle donc “la société française tout entière à se mobiliser” contre l’ennemi, jusqu’à même appuyer une offensive terrestre contre l’Etat Islamique (EI) en Syrie, mais sans participation de troupes françaises au sol. Ayant bien trop à faire en Afrique et chez elle, la France ne serait pas en mesure de s’impliquer massivement sur le terrain là-bas. Les Russes, les Iraniens et le régime syrien du président Bachar Al-Assad seraient donc chargés de combattre et défaire l’EI, l’on aurait bien l’opportunité ensuite “de débattre de nos relations avec le régime syrien,” explique François Fillon.
Même si le constat selon lequel la France n’est pas en mesure de s’impliquer et que c’est en priorité aux pays de la région de traiter la menace là-bas est réaliste, c’est aussi alarmant d’estimer que pour vaincre un ennemi qui vient de tuer des dizaines de nos concitoyens sur notre sol, nous devons espérer que trois autres pays – avec qui les désaccords sont nombreux et à qui nous n’avons guère fait de cadeaux ces dernières années – s’en chargent, en partie pour nous.
On peut convenir toutefois que la situation intérieure et la défense des intérêts français en Afrique sont prioritaires, sans mentionner que la France reste le deuxième pays le plus militairement capable et engagé dans le monde, selon le Pentagone. L’Europe, l’Allemagne notamment, ne participent pas assez et laissent un peu la France, seule, risquer la vie de ses soldats contre une menace qui s’attaque pourtant à tous.
Quant à la sécurité intérieure, François Fillon a raison de privilégier l’application pleine et entière du livre IV du code pénal dont les dispositions semblent suffisantes pour au moins empêcher la croissance de la menace terroriste sur notre sol et éloigner les individus les plus dangereux. François Fillon est d’accord pour le rétablissement de la double peine et propose même “des mesures d’exception” considérant, dit-il, que “la quasi-totalité des personnes qui se sont livrées à des actes terroristes en France depuis 18 mois sont des délinquants de droit commun.”
Il ne soutient pas l’idée d’un Guantanamo “à la française” ni de “conditions forcément exceptionnelles” pour l’incarcération des terroristes. Une sérieuse lacune dans cette interview toutefois, peut-être involontaire, François Fillon n’a pas parlé de la politique migratoire et de la maîtrise du territoire national.